En ecrivant cette preface, mon but n’est aucun rechercher oiseusement si j’ai mis au theatre une piece excellente ou mauvaise ; il n’est plus temps libre me concernant : mais d’examiner scrupuleusement (et je le dois toujours) si j’ai fait une ?uvre blamable.

En ecrivant cette preface, mon but n’est aucun rechercher oiseusement si j’ai mis au theatre une piece excellente ou mauvaise ; il n’est plus temps libre me concernant : mais d’examiner scrupuleusement (et je le dois toujours) si j’ai fait une ?uvre blamable.

Personne n’etant tenu de faire une comedie qui ressemble aux autres, si J’me suis ecarte d’un chemin trop battu, pour des raisons qui m’ont paru solides, ira-t-on me juger, comme l’ont fera MM. tels, concernant des regles qui ne semblent jamais nos miennes ? imprimer puerilement que je reporte l’art a le enfance, parce que j’entreprends de frayer un nouveau sentier a cet art, dont la loi toute premiere, ainsi, peut-etre la seule, est d’amuser en instruisant ? Mais votre n’est aucun ceci qu’il s’agit.

On voit souvent tres-loin du mal que l’on dit d’un ouvrage a celui qu’on en crois.

Notre trait qui nous poursuit, le mot qui importune demeure enseveli au c?ur, alors que la bouche se venge en blamant presque tout le reste : de fai§on qu’on pourra regarder comme un point etabli au theatre, qu’en fait de reproches a l’auteur, ce qui nous affecte le plus reste ce dont on parle le moins.

Il semble peut-etre utile de devoiler, aux yeux de tous, votre double aspect des comedies ; et j’aurai fait i  nouveau un bon usage une mienne, si je parviens, en la scrutant, a fixer l’opinion publique concernant ce qu’on devra entendre par ces mots : Qu’est-ce que Notre decence theatrale ?

A force de nous montrer delicats, fins connaisseurs, et d’affecter, comme j’ai dit nouvelle part, l’hypocrisie une decence aupres du relachement des m?urs, nous devenons des etres nuls, incapables de s’amuser ainsi que juger de et cela leur convient : faut-il le penser enfin ?

des begueules rassasiees qui ne savent plus ce qu’elles veulent, ni votre qu’elles doivent aimer ou rejeter. Deja ces mots si rebattus, bon ton, bonne compagnie, forcement ajustes par rapport i  chaque insipide coterie, et dont la latitude est si grande qu’on ne sait ou ils commencent et finissent, ont detruit la franche et sacree gaiete qui distinguait de chaque le comique de notre nation.

Ajoutez-y le pedantesque abus de ces autres grands mots, decence et bonnes m?urs, qui donnent un air si important, si superieur, que les jugeurs de comedies seraient desoles de n’avoir pas a des prononcer sur toutes les pieces de theatre, ainsi, vous connaitrez a peu pres ce qui garrote le genre, intimide l’integralite des auteurs, et a un coup mortel a la vigueur de l’intrigue, sans laquelle il n’y a pourtant que du bel esprit a la glace, et des comedies de quatre jours.

Enfin, Afin de dernier en gali?re, l’ensemble des etats d’une societe sont parvenus a se soustraire a Notre censure dramatique : on ne pourrait mettre au theatre les Plaideurs de Racine, sans entendre aujourd’hui les Dandins et les Brid’oisons, meme des gens plus eclaires, s’ecrier qu’il n’y a plus ni m?urs, ni respect concernant des magistrats.

On ne ferait point le Turcaret sans avoir a l’instant i  propos des bras fermes, sous-fermes, traites et gabelles, droits reunis, tailles, taillons, le trop-plein, le trop-bu, l’ensemble des impositeurs royaux. Il semble vrai qu’aujourd’hui Turcaret n’a plus de modeles. On l’offrirait sous d’autres traits, l’obstacle resterait le aussi.

On ne jouerait point les facheux, les marquis, les emprunteurs de Moliere, sans revolter a la fois la haute, la moyenne, la moderne et l’antique noblesse. Ses Femmes savantes irriteraient nos feminins bureaux d’esprit : mais quel calculateur pourra evaluer Notre force et Notre longueur du levier qu’il faudrait, i€ l’heure actuelle, pour elever jusqu’au theatre l’?uvre sublime du Tartufe ? Aussi l’auteur qui se compromet avec le public concernant l’amuser, ou pour l’instruire, a la place d’intriguer a son choix le ouvrage, est-il oblige de tourniller dans des incidents impossibles, de persifler au lieu de rire, et de prendre ses modeles hors en societe, crainte de se trouver mille ennemis, dont il ne connaissait pas de en composant le triste drame.

J’ai donc reflechi que si quelque homme courageux ne secouait nullement toute une telle poussiere, bientot l’ennui des pieces francaises porterait la nation au frivole opera-comique, ainsi, plus loin i  nouveau, aux boulevards, a votre ramas infect de treteaux eleves a notre honte, ou J’ai decente liberte, bannie du theatre francais, se change en une licence effrenee ; ou J’ai jeunesse va se nourrir de grossieres inepties, et perdre, avec ses m?urs, le gout une decence et des chefs-d’?uvre de nos maitres. J’ai tente d’etre cet homme, ainsi, si je n’ai pas mis plus de talent a faire mes ouvrages, au moins mon intention s’est-elle manifestee dans l’ensemble de.

J’ai pense, je pense i  nouveau, qu’on n’obtient ni grand pathetique, ni profonde moralite, ni bon et vrai comique au theatre, sans des situations grandes, et qui naissent forcement d’une disconvenance sociale, dans le sujet qu’on veut traiter. L’auteur tragique, hardi dans ses revenus, ose admettre le algorithme sugardaddymeet crime atroce : des conspirations, l’usurpation du trone, le meurtre, l’empoisonnement, l’inceste, dans ?dipe et Phedre ; le fratricide, dans Vendome ; le parricide, dans Mahomet ; le regicide, dans Macbeth, etc., etc. J’ai comedie, moins audacieuse, n’excede nullement les disconvenances, parce que ses tableaux seront tires de des m?urs ; ses themes, en societe. Mais De quelle fai§on frapper dans l’avarice, a moins de mettre en scene un meprisable avare ? demasquer l’hypocrisie, sans montrer, comme Orgon, dans le Tartufe, un abominable hypocrite, epousant une fille et convoitant sa femme ? un homme a bonnes fortunes, sans le faire parcourir 1 cercle entier de jeunes filles galantes ? un joueur effrene, sans l’envelopper de fripons, s’il ne l’est pas deja lui-meme ?